SCIENCE : Un boom du nombre de naissances de jumeaux dans le monde

MEDECINE : Une étude publiée ce vendredi 12 mars dans la revue spécialisée Human Reproduction démontre qu’il n’y a jamais eu autant de naissances de jumeaux qu’aujourd’hui à travers le monde. Une hausse qui s’explique notamment avec la procréation médicalement assistée (PMA), mais aussi l’âge auquel les femmes ont leur premier enfant, qui lui est de plus en plus tard. L’étude se concentre notamment sur des données entre 2010 et 2015. À cette période, plus de 1,6 million de paires de jumeaux sont nées chaque année dans le monde, soit près d’un bébé sur quarante. C’est ce qu’expliquent Christiaan Monden, Gilles Pison et Jeroen Smits, les trois chercheurs à l’origine de l’étude sur le nombre de jumeaux nés dans le monde, parue dans la revue Human Reproduction.

L’étude révèle que dans les années 1970, le taux de naissances de jumeaux était relativement bas en Asie, puis un petit peu plus élevé en Europe ainsi que sur le continent américain, puis plus élevé encore dans certains pays d’Afrique. Mais sur les trente dernières années, il y a eu une réelle hausse des naissances gémellaires et surtout de ce que l’on appelle « les faux jumeaux » ou jumeaux dizygotes. 

« Les faux jumeaux, contrairement aux vrais jumeaux qui proviennent d’un seul et même œuf, sont issus de deux œufs qui sont créés en même temps et qui vont se développer en même temps dans l’utérus. Ils sont produits par la rencontre de deux ovules et de deux spermatozoïdes et ont donc des patrimoines génétiques différents », explique Jacky Nizard, gynécologue-obstétricien à l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris. 

Alors que les vrais jumeaux, dits monozygotes, naissent partout dans les mêmes proportions, avec « un taux constant, de quatre accouchements de vrais jumeaux pour mille accouchements, ne variant pas avec l’âge de la femme, ni d’une région à l’autre », relève l’un des coauteurs de l’étude, le professeur Gilles Pison, interrogé par l’AFP.

Depuis les années 1980, le taux mondial d’accouchements de jumeaux a augmenté d’un tiers, passant de 9,1 à 12 pour 1 000 accouchements. Deux facteurs expliquent cette évolution croissante du nombre de jumeaux: la PMA, mais aussi l’âge de la mère.

Les probabilités de grossesses gémellaires liées à la PMA

La PMA, qui a commencé dans les pays riches dans les années 1970, a contribué à cette augmentation des naissances multiples, de même que les grossesses plus tardives.

Comment expliquer que la PMA augmente les chances d’avoir des jumeaux ? La réponse est assez simple, estime le Docteur Nizard: « Pour aider un couple à avoir un enfant, on va stimuler les ovaires de la femme, donc on augmente les risques d’ovuler plusieurs ovocytes en même temps. Mais quand on fait une fécondation in vitro en laboratoire, si l’on n’en met qu’un en transfert d’embryon dans l’utérus de la femme, les chances que ça marche sont peu élevées donc si l’on en met deux, évidemment ça augmente les chances de procréation, mais aussi les probabilités d’avoir des jumeaux. »

Le gynécologue-obstétricien précise également que ces dernières années, les équipes médicales essayent de faire un transfert d’embryon unique pour limiter les risques liés à une grossesse gémellaire. « Il y a toutefois des cas où l’on continue à en mettre deux selon la qualité des embryons. »

L’influence liée à l’âge de la mère 

L’âge de la mère a également une incidence sur les grossesses gémellaires. Lorsque les ovaires fonctionnent moins bien, le cerveau va essayer de pousser les ovaires à fonctionner et cela va donc stimuler les ovaires, et augmenter naturellement les chances d’avoir une grossesse gémellaire spontanée.

En janvier 2021, une étude réalisée par l’Institut national de la statistique et des études économiques révèle qu’en 2020 en France « l’âge moyen de la mère à l’accouchement atteint 30,8 ans », alors qu’il était de 28,8 ans en 1994.

Une autre étude publiée par l’Insee démontre que plus le niveau de vie des femmes est élevé, plus les femmes font des études longues et ont des enfants plus tard. Cela augmente donc les cas de grossesses tardives (généralement autour de 40 ans) à travers le monde. Les grossesses tardives ont donc plus de chances de se transformer en grossesses multiples.

L’Afrique et l’Asie en tête du nombre de jumeaux 

Les chercheurs à l’origine de l’étude publiée dans Human Reproduction ont exploité toutes les données disponibles pour estimer le taux de gémellité dans les différents pays du monde et décrire les changements survenus en trois décennies, en comparant les périodes entre 1980-1985 et 2010-2015.

Sur les 3,2 millions de jumeaux qui naissent chaque année, 1,3 million voient le jour en Afrique (soit 650 000 paires) et autant en Asie. Environ 600 000 jumeaux naissent sur les autres continents.

Si l’Asie abrite autant de naissances de jumeaux, c’est d’abord parce qu’elle rassemble 60% de l’humanité. Le grand nombre de jumeaux en Afrique s’explique notamment par un taux de natalité bien supérieur qu’ailleurs, qui se situe entre le double et le triple de celui des autres continents ainsi que par un taux de gémellité au départ le plus élevé du monde.

Le taux de gémellité en Europe et en Amérique du Nord, il y a 30 ans était près de moitié moindre qu’en Afrique, mais il a beaucoup augmenté depuis (atteignant respectivement 14,4 et 16,9 accouchements de jumeaux sur 1 000) et a presque rejoint celui de l’Afrique, qui lui, n’a pas pratiquement pas changé (17,1). La diffusion de la PMA et les maternités à un âge plus avancé ont donc entraîné un mouvement de convergence vers le taux élevé de l’Afrique.

C’est ce qu’avancent les chercheurs à l’origine de cette étude.

Le taux de naissances de jumeaux a également atteint un pic dans de nombreux autres endroits dans le monde, on dénombre 15 naissances de jumeaux sur 1 000 aux États-Unis, au Canada, ou encore dans l’Union européenne.

Les risques liés à une grossesse gémellaire

Lors d’une grossesse gémellaire tous les risques sont multipliés par deux : les risques de malformation, une naissance prématurité et toutes les séquelles que cela peut impliquer. Les risques de mortalité infantile sont également plus élevés. 

Pour la mère, ce type de grossesse augmente les risques de diabète, de pression artérielle, de fausse couche, mais aussi la dépression port-partum.

Pour toutes ces raisons, le docteur Nizard rappelle qu’il y a « réellement une volonté d’éviter les naissances gémellaires vis-à-vis de tous les risques que cela peut engendrer chez la mère et les enfants et favoriser le transfert unique d’embryon. Ce que recommande aussi la Société européenne de reproduction humaine et d’embryologie (ESHRE). »

 EMERGENCENEWS.COM (avec RFI)

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