LE BLOCAGE DU CANAL DE SUEZ : UNE SURPRISE GÉOPOLITIQUE

Par Professeur Latsoukabé MBOW

  TRIBUNE : L’échouage de l’énorme porte-conteneurs Ever Given provenant du port chinois de Yantian en route vers Rotterdam replace depuis le mardi 23 mars dernier le Canal de Suez au cœur de l’actualité internationale.

 L’énorme navire ayant été dévié par des vents violents d’origine désertique bloque en effet ila circulation par la principale route maritime reliant l’Asie orientale qui fait figure d’usine du monde et les pays en bordure de l’Atlantique nord.

 Cette voie de passage assure actuellement environ 10 et 12% du trafic mondial de marchandises (14% en 1996), avec un tonnage supérieur dans le sens sud-nord par rapport au volume transporté dans le sens opposé.

L’importance stratégique de cette route s’est révélée très tôt, dans la seconde moitié du XIXe siècle où l’ouvrage a été conçu et réalisé (inauguration en 1869) par les puissances occidentales – l’Angleterre et la France – qui y voyaient un moyen commode pour les relations avec leurs possessions coloniales dans le Proche et l’Extrême Orient. En le nationalisant en 1956, l’Égypte n’a fait que confirmer la fonction de pivot du couloir maritime large de 400 m pour une longueur de 195 km entre Suez et Port Saïd et un tirant d’eau de 17 m.

 Le canal permet aux compagnies de navigation d’économiser de la distance : 66% la distance entre Bombay et l’Europe 46% entre le Golfe arabique et Londres.

 L’on ignore la durée des manœuvres pour remettre le navire échoué au nord de Suez dans l’axe de sa route. Des jours ? Des semaines ? Les experts et techniciens dépêchés sur les lieux à partir du jeudi 25 mars n’ont pas indiqué le délai requis pour remettre l’Ever Given à flot.

 En tout cas, dès le lendemain de l’accident, les cours du pétrole ont grimpé de l’ordre de 6 à 10% selon les estimations avancées.

 Il s’y ajoute le nombre croissant d’autres porte-conteneurs, de navires-citernes, de rouliers en attente au nord de Port Saïd comme au sud de Suez. L’inquiétude habite non seulement les armateurs, les propriétaires des cargaisons, mais aussi les sociétés d’assurances, les entreprises commerciales de plus en plus tournées en matière d’approvisionnement vers la pratique du juste-à-temps, les consommateurs ainsi que les autorités égyptiennes auxquelles le trafic du canal fournit des revenus évalués à un peu plus de 5 milliards de dollar Us par an.

On n’ira pas jusqu’à dire que le Canal de Suez est incontournable, avec ce que ce qualificatif implique d’absolu. Car lors de la fermeture décidée par l’Égypte à cause de la guerre contre Israël, la route du Cap de Bonne Espérance, plus longue (10 jours supplémentaires de trajet du Golfe Presque aux ports de l’Europe de l’ouest), avait été réactivée.

Professeur Latsoukabé MBOW

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